.....Ma première petite amie était juive comme la seconde car il m'était impossible d'imaginer une relation amoureuse avec une " goy " ; pas pour vivre à Jérusalem et porter la perruque, mais c'est ainsi : nous ne recevions que des juifs à la maison , mangions irrégulièrement des plats polono-russes; aucun objet ne venait rappeler nos origines compliquées mais - et c'est peut-être cela une appartenance ethnique - il me semblait impossible d"avoir une relation poussée avec quelq'une qui n'aurait pas compris sans rentrer dans des détails les bouts flous d'histoire que je connaissais : l'antisémitisme viscéral de beaucoup, la guerre, les déportations et exterminations, les " odeurs " de cuisine, les jeux de cartes, une certaine ambiance face au travail, ce qu'il pouvait représenter, les accents des plus agés, le mélange yddish-français lorsque ma mère parlait avec sa mère, sa tante et les innévitables blagues que ne comprenais quà peine ces non-juifs mais dont je sentais la distance d'avec les classiques de Fernand Raynaud ou autres. Aujourd'hui les trois quarts des comiques sont juifs mais ne parlent que rarement de leurs origines ou de leur appartenance; revenons à nos amours : la première avait une villa à ....Cannes ( le Mas Zeltov ) et ses parents étaient dans les Jean's, ce n'était qu'un flirt, nous étions si jeunes; la deuxième était lycéenne dans le même " bahut " que moi; nous étions presque aussi jeunes mais nous poussâmes notre flirt jusqu'au lit; elle avait 15 ans et moi 17, c'était le novembre d'après 68 , un week-end dans la maison de mon oncle , il avait neigé. Ce fut innoubliable , nous nous baladions dans un Paris de rève; elle était mon Elsa , je pensais être peintre déjà; son père ne voyait pas ces enfantillages avec enthousiasme, lui l'homme d'affaire et moi le jeune enragé déjà un peu barbu et très révolté contre à peu-près tout exceptée cette pipe que je trimbalais pour faire " artiste "; mon intransigence était telle que nous rompîmes car....Elle ne lisait pas " Le Monde " tous les jours !! quel con, moi qui n'achète plus ce torchon et lis le Figaro lorsque j'ai un moment de libre; igorants de presque tout , elle " tomba " enceinte et dû avorter chez elle par je ne sais quel moyen que nos parents goupillèrent....Le flou suis cette expérience douloureuse ' surtout pour elle ' . Devenu maoïste mes rapports avec la gente féminine devint spartiate : rapides et surtout sans suite jusqu'à Martine , son mari et leur petite Alice.M. était mariée et lui commençait à ne plus comprendre s'il était attiré par les mecs ou non; nous étions en 73, le flou s'épaissit, une amitié profonde me liait à lui que je sentait encore plus paumé que moi, Martine ayant tourné la page Jean-Marie devint une compagne possessive et fantasque; Alice adorait son vrai père mais était capable d'en aimer un autre....mais pas du même amour; lorsqu'il se suicida ( et cela je le dit pour la première fois ) c'est moi qui paya les frais d'obsèque à crédit. A-t-on vu de tels rapports ? Le travail ( l'imprimerie ), les rencontres multiples se terminaient souvent dans un lit et Martine devait en souffrir en silence sauf lorsque des crises de démence l'habitaient mais pour d'autres raisons plus profondes. Lorsqu'à bout, devenu piccolo et franchement accro à certaines drogues je décidais de la quitter je savais la mort dans l'âme que la dégringolade suivrait ,ce qui advint. Alice fut balotée de Paris à St Quentin où habitait ses grands parents; je savais que cette rupture serait déchirante mais la vie commune devenait de plus en plus impossible : un drame encore plus hard aurait succédé au suicide de J.M. J'arrète là cette succession de blessures qui continue à me hanter. L'après 68 fut pour la plupard des militants de base très dure à surmonter; beaucoup ne sûrent pas comment, livrés à eux mêmes, très jeunes et ayant rompu avec études et souvent familles. Je ne peut plus accréditer l'idée que ce ne furent qu'agappes et libertés sexuelles; bien entendu nous profitions encore de pays en croissance et nous nous démerdions plus facilement qu'aujourd'hui côté travail. Mais les " dégats colatéraux " furent immenses et ont disloqués jusqu'à l'asile nombres d'entres-nous, si ce n'est plus encore........