....Il me débouchait la ennième bouteille de vodka depuis le matin.....

.....Je rejoignais sagement un grand-oncle ou je ne sais précisément quel lien familial me rattachait à lui. Qu'importe. Nous étions avant celà juste à l'entrée du Marché aux Puces de Saint-Ouen , nous venions de vendre notre canard à la criée et nous nous égayions aux quatre vents en ces dimanches après-midi sans savoir vraiment ce que chacun allait faire pour achever ces jours tristes gris et froids. Après s'être engagé dans la foule, j'allais le voir : il tenait un stand de sape de cuir avenue Michelet et sous un temps pareil la peau noire ou brune sentait bon comme sous un soleil de plomb. Il avait fait les Brigades Internationales en Espagne , avait laissé me semble-t-il femme et enfants en Pologne; du moins c'est ce qui circulait dans la famille. Il avait porté aussi l'uniforme soviétique et cela avait à mes yeux un prestige exceptionnel ! Enfin pour tout dire il avait le profil type du héros qui ne pouvait que fasciner le jeune homme que j'étais. Grand, mince, les épaules larges, la clope au bec il a dù en faire des ravages auprès des femmes et en faire voir de toutes les couleurs à sa femme en Francequ'il y a encore peu de temps faisait à la commande de la carpe farçie comme on la faisait pour les fêtes dans les schtetels disparus. Les bons polonais sont heureux qu'on les ai débarrassé de cette " juiverie " crasseuse et troublante....Ils avaient deux filles dont la plus jeune était ma petite fiancée attitrée lors des mariages; elles ont toutes deux épousé des sépharades et le couscous à sans doute remplacé le cou farci....Jamais je ne mettrais un pied dans cette Pologne si catholique moi qui me targue d'être Citoyen du Monde ce pays qui se dit marthyr est à mes yeux un grand trou noir, antre du diable en personne. il me débouchait la ennième bouteille de Vodka qu'il avait dù siffler depuis le matin , je lui racontais entre deux rasades nos exploits si minuscules à côté de ses propres faits d'armes. Il avait la bouche rutilante de fausses dents en or et de sa bouche sortait un français mi-yiddish-mi pollack; tout cet or faisait de lui l'homme le plus riche de la Terre. Je ne fut pas mis au courant lorsqu'il disparu, c'est un grand dommage car j'aurais sans le dire à quiconque bu sans modération en son hommage......